samedi 31 mars 2007

Police: Retour sur une bavure

L'Humanité

Le 1er janvier, la police avait gazé une famille qui fêtait le nouvel an dans un bar parisien. Un avis accablant a été rendu sur cette intervention.

Désormais, on ne parlera plus d’« intervention controversée ». Mais bien de bavure policière. Saisie, en janvier 2004, par Nicole Borvo (sénatrice PCF) et Christophe Caresche (député de Paris), la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) s’est penchée sur l’histoire de ce réveillon familiale dans un bar parisien qui avait viré au cauchemar après lmusclée de la police (l’Humanité du 23 janvier 2004). Résultat : son avis, rendu le 6 octobre, appuie en partie la version du propriétaire de l’estaminet. Et fustige l’attitude des forces de l’ordre.

Que s’est-il passé cette nuit du 1er janvier ? Mohand Amiar, le patron du Bar des Postes de la rue Clignancourt (18e), avait organisé une petite fête privée dans son établissement. Rideau de fer baissé « aux trois quarts », des femmes, des enfants, des grands-parents. Juste la famille et quelques amis. Une trentaine de personnes en tout. Vers 3 heures du matin, la soirée dégénère. Des frères éméchés s’engueulent dans la rue. Deux policiers du commissariat d’en face interviennent. Mohand Amiar sort pour s’expliquer. Il est rabroué, puis jeté à terre. Les coups de matraque pleuvent et des renforts de la brigade anticriminalité (BAC) arrivent immédiatement sur les lieux. C’est l’engrenage. Un policier vide une bombe lacrymogène à l’intérieur du bar en maintenant la porte fermée. Tout le monde à l’intérieur suffoque.

Les pompiers accourent. La grand-mère finit aux urgences. Une jeune femme a le ménisque fracturé par un coup de pied policier. Mohand Amiar et l’un de ses frères se retrouvent en garde à vue. Ils y resteront plus de quarante heures sans pouvoir appeler leur avocat. En comparution immédiate, ils écoperont finalement de deux mois de prison avec sursis pour « violences aggravées ». Avec fermeture administrative du bar pendant deux mois. Plus dramatique encore, un artiste suédois, lui aussi aspergé de gaz lacrymogène pendant la soirée, décédera quelques heures plus tard d’un arrêt cardiaque dans l’escalier de son domicile.

Aujourd’hui, la CNDS ne porte « aucune appréciation » sur la réalité des violences policières, les différentes poursuites judiciaires n’étant pas closes. Mais elle reconnaît implicitement ce dérapage ahurissant. La CNDS « tient pour établi qu’un ou plusieurs fonctionnaires de police (...) se sont livrés à une agression en projetant du gaz lacrymogène sur un groupe de personnes (...), parmi lesquelles se trouvaient des femmes, des enfants, et qui participaient de manière pacifique à une fête familiale ». Concernant l’identité des auteurs, « aucune recherche, constate la commission, n’a été effectuée par l’IGS à partir de l’enregistrement du trafic radio ou à partir de la comptabilité administrative » des bombes lacrymogènes affectées aux policiers.

La CNDS épingle aussi l’attitude de la hiérarchie policière. Le capitaine de police, témoin direct de ce gazage illégal, n’a pas pris la peine de prévenir le procureur de la République comme le Code de procédure pénale l’y oblige. Pis, les fonctionnaires de police présents n’ont pas pris la peine de porter secours aux personnes incommodées par le gaz. « Ils se sont empressés de rentrer dans le commissariat », déplore la commission, qui souligne qu’aucun policier n’a appelé les pompiers, prévenus par l’un des membres de la famille Amiar. Enfin, la CNDS se refuse à faire un lien direct entre le gazage et la mort de l’artiste suédois. Mais observe, cependant, « que la violence dont il a été victime n’a pu qu’aggraver le risque mortel auquel il était exposé ». Pour le moins.

Plusieurs enquêtes administratives sont réclamées par la CNDS qui a transmis son avis au procureur de la République.

Laurent Mouloud

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vendredi 30 mars 2007

Un policier et une greffière mis en examen pour trafic de drogue

STRASBOURG (Reuters) - Un capitaine de la brigade des stupéfiants de Strasbourg et une greffière du tribunal de grande instance de la ville ont été mis en examen pour infraction à la législation sur les stupéfiants.

Ils ont été écroués, conformément aux réquisitions du parquet, a-t-on appris vendredi auprès de celui-ci.

Une perquisition effectuée chez la greffière dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en janvier 2007 avait permis de saisir 4,5 kg d'héroïne.

L'officier de police a admis avoir apporté la drogue chez la jeune femme, sa maîtresse, et avoir détourné des scellés de drogue qu'il était chargé de faire détruire. Il a précisé que les stupéfiants étaient destinés à approvisionner des informateurs.

La greffière a reconnu avoir reçu de son amant des sommes d'argent en espèces qu'elle faisait transiter sur son compte bancaire avant de les lui reverser.

L'officier de police, qui a été suspendu par sa hiérarchie mercredi, alors qu'il était en garde à vue, est également mis en examen pour abus de confiance par officier public. La greffière devra pour sa part répondre de blanchiment.

Un troisième homme a été mis en examen pour infraction à la législation sur les stupéfiants et écroué dans le cadre de ce dossier.

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mercredi 28 mars 2007

Un contrôle de billet tourne à l'affrontement entre police et jeunes gare du Nord à Paris

par Selim SAHEB ETTABA

PARIS (AFP) - L'interpellation par des gendarmes d'un usager du métro circulant sans billet a dégénéré mardi à la gare du Nord en affrontements entre jeunes et forces de l'ordre, qui ont duré plusieurs heures à partir de la fin de l'après-midi.
Peu avant minuit, par une série de charges et à grand renfort de gaz lacrymogène, la police a fait évacuer la centaine de jeunes qui leur avait fait face, dans le sous-sol de la gare et dans la station de métro attenante, toute la fin d'après-midi et la soirée.

Le calme est revenu vers 01H00 du matin dans et autour de la gare du Nord quand les forces de l'ordre ont fini par disperser le dernier noyau de manifestants, qui ont joué pendant un temps au chat et à la souris avec elles dans les rues autour de la gare.

Selon la préfecture de police, neuf personnes ont été interpellées, dont l'usager sans billet, un homme de 33 ans accusé d'avoir frappé les agents de la RATP qui l'avaient vu sauter un portique et avaient tenté de le contrôler.

Il avait été rapidement maîtrisé par une patrouille de gendarmes passant non loin de là. Mais quelques dizaines de témoins, parmi lesquels de nombreux jeunes, ont estimé que l'interpellation avait été trop brutale et ont commencé à se masser devant le local de la RATP dans lequel le suspect avait été dans un premier temps retenu, avant d'être évacué vers un commissariat.
Des renforts de policiers et de gendarmes sont rapidement intervenus. Sous le regards de centaines de témoins et d'usagers du métro coincés sur place, une foule de plus en plus hostile, vite motivée par la présence de caméras de télévision, a commencé à jeter des projectiles (surtout des bouteilles de soda en plastique et des fruits) sur les forces de l'ordre.

Les policiers ont répondu par de courtes charges et des jets de gaz lacrymogène, dont les effluves se sont répandues dans les couloir et dans la gare, faisant tousser et pleurer tous les gens alentour.

Certain jeunes, armés de caddys ou de poteaux métalliques utilisés dans le métro pour délimiter les files d'attente, avaient tenté de casser des vitrines de commerces, des distributeurs automatiques de boissons et de friandises, des panneaux d'affichage et des vitres de séparation.

Un début d'incendie a été allumé dans un stand d'accueil de la RATP, mais a été rapidement maitrisé par les pompiers.

Dans la station, le rideau de fer d'une boutique a été tordu, dans une tentative de l'ouvrir, mais les lieux ont été vite gardés par un cordon de police. Un marchand de téléphones portables a toutefois assuré qu'il avait l'intention de passer la nuit, par précaution, dans sa boutique.

Aux cris de "Sarkozy, enc...!", "Police partout, justice nulle part!" ou "A bas l'Etat, les flics et les patrons !", les jeunes émeutiers avaient insulté policiers et gendarmes, dont certains en tenue anti-émeute.

"Comme par hasard, Sarkozy s'en va et le lendemain il se passe çà", a lancé une adolescente noire, qui a refusé de révéler son identité.

Dans un communiqué publié dans la soirée, le porte-parole du PS Julien Dray a estimé ces affrontements "illustrent le climat de tension, le fossé et la violence désormais installés entre la police et la population".

"Les conditions d'un rapport serein et de confiance entre la police et la population doivent être rétablies de toute urgence", a-t-il ajouté.

Les rames de métro des lignes 4 et 5, qui ne s'étaient pas arrêtées à la gare du Nord à partir du début des incidents, marquaient à nouveau l'arrêt en fin de soirée, a-t-on constaté.

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samedi 24 mars 2007

Sans-papiers: une directrice d'école en garde à vue sept heures à Paris

PARIS (AFP) - La directrice d'une école maternelle du XIXème arrondissement de Paris a subi vendredi près de sept heures de garde à vue après des incidents violents mardi lors de l'interpellation d'un parent sans papiers d'élève, une affaire qui a indigné le monde éducatif et la gauche.

A la suite de ce tollé, le ministère de l'Intérieur a annoncé avoir écrit aux préfets pour leur "rappeler" que "l'exécution des mesures d'éloignement d'étrangers en situation irrégulière ne doit en aucun cas donner lieu à des interpellations (...) de police ou de gendarmerie dans l'enceinte ou à proximité immédiate d'un établissement scolaire".

Convoquée vers 09h00 pour témoigner au commissariat du XIXe, Valérie Boukobza, a été placée en garde à vue pour "outrage et dégradation de biens public en réunion" avant d'être relâchée.

Avec deux autres personnes, elle avait été appelée à témoigner sur les incidents qui avaient opposé, mardi, des policiers à des parents d'élèves qui tentaient d'empêcher l'interpellation du grand-père chinois, en situation irrégulière, d'un enfant scolarisé dans la maternelle de la rue Rampal.

Peu avant 16h00, le parquet de Paris a ordonné la remise en liberté des trois personnes, précisant que "les suites à donner seront décidées ultérieurement en fonction des résultats des investigations à venir".

Selon Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, principale fédération de l'enseignement, la directrice aurait "essayé de protéger les enfants" et la police lui reprocherait d'avoir "tapé sur une voiture de police".

La préfecture de police a fait savoir, à propos des incidents de mardi, que "des personnes ont fait obstruction (...). Un policier a été blessé et aspergé d'un liquide irritant".

L'annonce de la garde à vue a aussitôt suscité des réactions d'indignation dans le monde éducatif et les milieux de gauche.

"Jamais on n'avait atteint un tel niveau. Déjà du gaz lacrymogène à l'entrée d'une école mais en plus, une tentative d'intimidation manifeste!", a lancé Gérard Aschieri.

Le PS avait exigé la remise en liberté de la directrice, demandant que "toute la lumière soit faite", mais les protestations sont venues également des autres candidats de gauche à la présidentielle.

Olivier Besancenot, José Bové, Marie-George Buffet, Arlette Laguiller, Dominique Voynet, tous s'en sont pris à Nicolas Sarkozy.

Le maire de Paris Bertrand Delanoë a écrit au Premier ministre de Villepin, jugeant "inacceptable d'organiser des formes +d'embuscades+ près des établissements scolaires".

François Bayrou, candidat de l'UDF, a aussi estimé que "dans cette affaire, on a franchi des limites".

Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) a dénoncé "une tentative d'intimidation intolérable à l'égard d'une enseignante qui, d'après plusieurs témoins, n'a fait que tenter de protéger ses élèves".

De nombreux enseignants avaient répondu à la mi-journée à l'appel du Réseau Education sans frontières (RESF) à se rassembler devant le commissariat où la directrice était placée en garde à vue.

Selon les témoins, mardi les policiers "n'ont pas hésité à utiliser la violence physique et à asperger la rue de gaz lacrymogène pour disperser les parents qui s'opposaient à l'interpellation".

Le grand-père chinois, emmené mardi au commissariat du IIe arrondissement, a été relâché mercredi, a précisé RESF.

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Bavures policières filmées : suspensions en série...

Le Ministère de l'Intérieur a annoncé ce jeudi plusieurs suspensions de fonctionnaires de la police. Dans les deux cas, des caméras de télévision ont filmé les scènes des faits...

France 2 a, suite à cette décision, diffusé lors de son JT de 20 heures les images de deux incidents.

On y voit un jeune homme - qui d'après un témoin venait d'être relaché du commissariat et avait trouvé comme distraction...immédiate le lancer de canettes sur les vitres du bâtiment - rattrapé par un policier et plaqué. Des renforts arrivent et on voit nettement deux policiers donner des coups à l'homme à terre...

Les deux fonctionnaires qui ont porté les coups et les six autres qui ont assisté aux faits ont été suspendus et placés en garde à vue dans les locaux de l'Inspection général des services .

Seconde affaire, filmée il y aquelques jours par une télé allemande : l'arrestation de deux jeunes en banlieue parisienne.

On y voit deux policiers interpeller deux jeunes, menottés, les mains dans le dos, et le visage flouté. L'un d'entre eux maintient un des jeunes, assis, en le montrant à la caméra, et lance: "Regarde la France d'aujourd'hui. Regarde ça. C'est pas beau ça?".

Le jeune insulte la journaliste: "Tu respectes la journaliste!", lui lance le fonctionnaire en lui portant deux gifles.

Violation de la déontologie, l'accusé ne pouvant se défendre. Là aussi, le policier devrait être suspendu.

Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a affirmé sur France 2 dans l'émission d'Arlette Chabot qu'il n'accepterait "aucun débordement des forces de l'ordre".

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Lois répressives, bavures en série: Une vision policière de la société

Le Monde Diplomatique

Sous couvert de lutte contre l’insécurité, l’Etat français multiplie lois et décrets généralisant le contrôle social à des catégories de la population toujours plus nombreuses. Ainsi, les pouvoirs de la police s’élargissent en même temps que ses missions de surveillance. Une telle inflation répressive, qui dépasse les moyens et les compétences des forces de sécurité, les conduit à se décharger sur d’autres institutions sociales. Au même moment, les bavures qu’alimentent les discours musclés du ministre de l’intérieur - symbolisées par les deux clandestins expulsés morts à Roissy - contribuent à radicaliser le discours « anti-flics » des jeunes

Par Laurent Bonelli

Des « sauvageons » de M. Jean-Pierre Chevènement aux « zones de non-droit livrées à l’économie souterraine et à la loi des bandes » de M. Nicolas Sarkozy, les banlieues françaises et une partie de leurs habitants semblent être devenues la principale menace pour la société française.

Dans les différents médias, des experts autoproclamés en sécurité prophétisent, sur fond de courbes exponentielles de la délinquance, l’avènement du règne de délinquants toujours plus jeunes, plus récidivistes et plus violents. Les différents partis politiques, toutes tendances confondues ­ avec des nuances dans le ton ­ joignent leurs voix à celles des journalistes et des « experts » pour entonner le couplet sur la « demande de sécurité » de leurs électeurs, et réclamer plus de policiers, fussent-ils municipaux. Depuis cinq ans, la sécurité urbaine est devenue l’une des principales priorités des différents gouvernements, qui, de la loi sur la sécurité quotidienne (LSQ) à la loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI), y consacrent des moyens importants, matériels et législatifs.

Pour comprendre cette extraordinaire inflation de la sécurité, il faut s’interroger sur les transformations des quartiers populaires en France, de la « violence » qu’on peut y observer et de ses modes de traitement.

D’abord, sous l’effet des politiques néolibérales en matière de logement promues durant les années 1970 (aide à la pierre), les couches les plus favorisées de ces quartiers ont pu accéder à la propriété et les ont progressivement désertés. A la même époque, les restructurations industrielles ont frappé très durement l’emploi non qualifié qui occupait la majorité des habitants de ces zones. Ce double phénomène de paupérisation et de concentration de la précarité va avoir des effets importants auxquels les populations les plus jeunes vont donner une dimension très visible.

L’errance dans l’espace public propre à ces adolescents, qui se traduisait par une série de comportements « déviants » (violences verbales et physiques, petits vols, dégradations, etc.), n’est pas nouvelle (loubards, blousons noirs, etc.). Toutefois, elle prenait rapidement fin par l’intégration dans les fractions les plus déqualifiées du prolétariat industriel. Et loin de s’opposer à la culture de l’atelier, les valeurs dont ces jeunes étaient porteurs (virilité, violence, anti-autoritarisme, etc.) y trouvaient un réceptacle favorable. Il suffit de penser à la virilité des ateliers, à la lutte contre le « petit chef », le contremaître. Ces valeurs nourrissaient même parfois l’action syndicale et politique. Au fil des années, l’intégration professionnelle s’accompagnait du passage à un mode de vie plus « conforme » aux normes sociales dominantes.

Actuellement, ces mêmes jeunes ne peuvent plus s’insérer dans un monde qui décline largement, pas plus qu’ils ne peuvent occuper les nouveaux emplois sous-qualifiés auxquels leur absence de qualification les voue objectivement. En effet, ceux-ci se développent exclusivement dans les services, qui imposent des formes de civilité et de comportements « normalisés » (docilité, politesse, voire déférence) qui s’opposent aux valeurs de la rue.

Dans le même temps, la massification de l’enseignement en France a prolongé dans le système scolaire des adolescents qui en auraient été exclus, les amenant pour un temps à nourrir des espoirs d’ascension sociale qui les éloignent encore du monde ouvrier de leurs parents (1). Espoirs rapidement déçus d’ailleurs puisque l’école ne leur ouvre qu’un avenir au rabais, qui sape largement les fondements de l’autorité des enseignants (2).
Les « inutiles au monde »

Exclus du monde scolaire et du monde professionnel, ces adolescents, garçons pour l’immense majorité, sont ce que Robert Castel appelle des « désaffiliés », ces « inutiles au monde, qui y séjournent sans vraiment y appartenir. Ils occupent une position de surnuméraires, en situation de flottaison dans une sorte de no man’s land social, non intégrés et sans doute inintégrables. (...) Ils ne sont pas branchés sur les circuits d’échanges productifs, ils ont raté le train de la modernisation et restent sur le quai avec très peu de bagages. Dès lors, ils peuvent faire l’objet d’attentions et susciter de l’inquiétude, car ils posent problème (3) ».

Problèmes à l’école, donc, mais aussi dans les quartiers, dans les structures socioculturelles auxquelles ils ne participent pas mais qu’ils perturbent, dans les halls d’immeuble qu’ils transforment en lieux visibles d’une sociabilité spécifique, etc.

Les difficultés réelles des différentes institutions (écoles, bailleurs sociaux, transporteurs publics, élus locaux, etc.) confrontées à ces populations et à leurs comportements se sont traduites par une augmentation multilatérale des demandes de résolution policière.

Or les réponses que peut apporter la police restent ambivalentes. Les missions de « pacification sociale » n’intéressent pas beaucoup les policiers, qui placent au sommet de l’échelle le travail judiciaire voire le renseignement. La police est en effet une institution qui se caractérise peut-être plus que d’autres par le choix de ses missions et la manière dont elle va les exercer. Cette latitude d’action n’est pas forcément en phase avec les sollicitations extérieures. La question des groupes d’adolescents qui stationnent dans les halls d’immeuble est de ce point de vue intéressante, puisqu’elle est le point de convergence de nombreuses plaintes, tant de la part de particuliers que d’agents institutionnels.

Ce décalage entre des demandes d’intervention relativement anodines mais répétées et la poursuite des délits limite l’enthousiasme des policiers pour intervenir. En effet, les demandes de régulation des petits désordres excèdent largement les capacités de la police et son savoir-faire (ou son savoir-être). Cette intervention solitaire de la police, qui se réduit souvent à une répression sans délits, un contrôle sans infractions, reste très difficile. Un chef de police résumait ainsi l’action de ses brigades anticriminalité (BAC) dans les halls d’immeuble : « S’ils trouvent quelque chose, arme, shit ou autre, ils interpellent, mais sinon, ils se contentent de contrôles d’identité et les font partir en leur expliquant qu’ils font chier tout le monde. »

Dans tous les cas de figure, ces missions restent peu gratifiantes et leur répétition instaure un fort climat de défiance entre les forces de l’ordre et les groupes qu’elles contrôlent. Elles radicalisent et durcissent les positions de chacun, ce qui se traduit d’un côté par la multiplication des violences policières illégitimes observées ces derniers mois, à Poissy, Châtenay-Malabry, Saint-Denis, Dammarie-lès-Lys (4), etc., et de l’autre par l’augmentation des outrages, voire des rébellions. Ces deux délits devenant d’ailleurs le plus souvent le seul chef d’inculpation dans ces situations (5). Comme le soulignait un magistrat : « On se rend compte que c’est le contrôle d’identité lui-même (...) qui provoque l’apparition des délits. Au départ, on a une personne qui n’a rien fait, qui ne devait pas être contrôlée et qui au bout du compte se retrouve poursuivie par la justice pour un délit qui est provoqué directement par le contrôle lui-même. »

L’autorité judiciaire est de la sorte enrôlée dans une logique d’ordre public et sommée de prolonger l’action de la police par des sanctions. On assiste à une extension massive de la sphère pénale à des comportements qui n’étaient jusque-là pas poursuivis par la justice, de même qu’à un durcissement des peines prononcées pour les petits délits.

Pour autant, cette augmentation du nombre d’outrages et le durcissement des relations entre « jeunes » et police ne résout pas la question initiale, celle des petites nuisances, qui avait déclenché ce type d’interventions.

Les policiers confrontés au quotidien à ce type de contradictions sont alors d’autant plus portés à solliciter les structures « partenariales », comme les contrats locaux de sécurité (CLS), qu’ils ont pratiquement et symboliquement tout à y gagner. En effet, engager d’autres agents sociaux dans le contrôle et la normalisation de ces comportements déviants est l’une des solutions les moins coûteuses et les plus efficaces pour répondre à des troubles qu’ils sont incapables de résoudre, pour des raisons tant internes (priorités policières, « inversion hiérarchique ») que liées à leurs prérogatives (nécessité de constater un délit, déplacement des problèmes, de quelques mètres parfois en cas d’opérations intensives de police).

C’est ainsi qu’on assiste à un travail d’enrôlement policier des autres institutions, soit direct dans le cas des bailleurs sociaux, des transporteurs publics, voire des municipalités, qui développent leurs propres forces de sécurité ; soit indirect, pour l’école, les ANPE, les missions locales d’insertion, etc., sommés de fournir des informations sur les adolescents qu’ils suivent ou côtoient. Cette collaboration repose sur le décloisonnement de l’information entre « partenaires » et l’échange de données personnelles précises sur des individus, les fratries ou les familles qui « posent problème » localement.

Mais cet échange reste inégalitaire, puisque la police en conserve très largement la direction. Conséquence directe de cette domination, les logiques policières ­ même si elles suscitent parfois des résistances - tendent à devenir le prisme pertinent d’appréhension de certaines populations. Ce qui faisait dire non sans humour à un adolescent régulièrement confronté à la police : « Maintenant, la BAC [brigade anticriminalité], quand elle nous tape dessus, elle nous appelle par notre prénom. »

Ce mouvement confère aux policiers une position centrale qu’ils n’avaient sans doute jamais connue auparavant. La prégnance de leurs analyses - non dépourvues d’intérêts partisans et/ou corporatistes - oriente largement les formes des réponses qui vont être apportées. Sous certains aspects, on assiste à une reformulation policière de la question sociale, et particulièrement de la question de la « désaffiliation ». La vision strictement policière de ces problèmes trouve son origine dans les orientations politiques et idéologiques qu’on observe en France depuis quelques années. Alors que les gouvernements successifs n’ont eu en définitive que peu de prise sur les transformations du monde du travail, la relégation spatiale et les désordres urbains qui en ont résulté (6), ils vont essayer de réaffirmer leur pouvoir de gouverner par une gestion policière et judiciaire de ces désordres.

C’est là un tournant important, à gauche notamment, puisqu’on est passé en vingt ans d’une approche globale des problèmes (développement social des quartiers, amélioration du bâti et prévention de la délinquance), c’est-à-dire de l’idée qu’ils avaient des causes sociales, à l’idée de responsabilité individuelle du délinquant et de choix rationnel. Cette importation dans l’analyse de la déviance des théories économiques néolibérales d’Homo economicus présuppose qu’il suffirait d’en renchérir le coût, en augmentant la répression policière et les peines encourues devant la justice, pour la faire diminuer, ou disparaître.

Si ces conceptions sont politiquement très fonctionnelles, particulièrement en période électorale, elles posent problème à moyen et à long terme. La police n’a en effet pas les moyens de juguler la petite délinquance, qui constitue bien souvent, avec le travail au noir et de brèves périodes d’intérim, l’un des seuls modes de (sur)vie de petits groupes exclus durablement du circuit des échanges productifs. En ce sens, il n’est pas certain que les actions spectaculaires des groupements d’intervention régionaux (GIR), la dotation en policiers de proximité de flashballs, et de gilets pare-balles résoudront à terme les questions d’exclusion économique et sociale, de qualification professionnelle et de discrimination à l’embauche. Mais est-ce bien le but ?

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lundi 12 mars 2007

La France vote NON au journalisme citoyen

Par Erwin Act, sa biographie

Cet article a été rédigé par un reporter d'AgoraVox, le journal média citoyen qui vous donne la parole.

Le Conseil constitutionel l'a décidé. La vidéo citoyenne est dorénavant interdite sur les blogs francais. Récit d'une initiative sarkozienne...

On se souvient tous des images de ce jeune Américain noir, Rodney Kind, passé à tabac par des "policemen" la nuit du 03 Mars 1991, à Los Angeles.

La scène, filmée par la caméra amateur de George Holliday qui était présent sur les lieux la nuit de la rixe, avait mis l'Amérique en état de choc (vidéo en bas de page).

Sur la version anglaise d'AgoraVox, un article consacré à une décision toute récente du Conseil constitutionnel français fait lentement ricaner journalistes et bloggers citoyens anglais et américains, qui font de cette décision, leurs choux gras.

En effet, Anglais et Américains s'amusent d'une étonnante décision prise par les politiques du pays des droits de l'homme et de la liberté d'expression.

Et il y a franchement de quoi, car il y a quelques jours, le Conseil constitutionnel est parvenu à interdire les vidéos d'information dites "violentes". Adieu donc toute tentative de diffusion d'actes "violents", même si la démarche a pour vocation de révéler publiquement des dérives que nous serions - ne le souhaitons pas - amenés à filmer.

Fini donc les vidéos de bavures, fini les images prises sur le vif de jeunes gens qui brûlent et détruisent des automobiles, fini encore la diffusion d'images de manifestions contre le G8. Fini. Terminé. Basta. Ce qu'on ne montrera pas n'existera pas.

La loi, à l'initiative du ministre en campagne, Nicolas Sarkozy, semble, en tout état de cause, étonner nos voisins étrangers, peu habitués - à part la Chine - à de telles interdictions.

Les confrères américains ne manquent pas d'ironiser. En effet, il est bon de savoir que si George Holliday filmait et diffusait, aujourd'hui, en France, la vidéo qu'il a réalisée à Los Angeles en 1991, il serait succeptible d'être condamné à de la prison ferme.

La nouvelle consigne pour diffuser une vidéo de ce type sera de parvenir à obtenir l'aval d'une autorité professionelle des médias. Il semble, effectivement, que ce type de témoignages vidéographiques soit soumis à l'acceptation d'une autorité "reconnue".

L'Etat propose, dans un futur proche, de fournir une sorte de licence aux quotidiens reconnus. Seuls les journalistes professionnels seraient désormais habilités à passer de telles images.

Info pratique : toute diffusion non autorisée d'une vidéo à caractère violent est passible d'une condamnation de 75.000 euros d'amende et d'un emprisonnement de cinq ans.

Ironie de l'actualité. On fêtait, le jour de la décision du cCnseil constitutionnel, le seizième anniversaire du passage à tabac de Rodney Kind.

Est-ce le début de la fin pour les blogs médias francophones ? Affaire à suivre.

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jeudi 8 mars 2007

Police: Les bavures à la hausse

Eric Pelletier, L'Express

La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) remet son rapport annuel sur les bavures qui lui sont signalées. En 2006, elle a traité 140 dossiers, soit un bond de 25% par rapport à 2005
Un réfugié politique algérien plaqué au sol, menotté, puis déshabillé dans le couloir d'un commissariat parisien à la suite d'un contrôle d'identité. Une manifestante libertaire, traînée à terre, puis immobilisée par deux décharges de pistolet à impulsion électrique, à Lyon (Rhône). Un détenu de la centrale de Moulins (Allier) maintenu au quartier disciplinaire malgré trois certificats médicaux de contre-indications…

Comme chaque année, depuis six ans, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) enquête sur les "bavures" présumées qui lui sont signalées par les parlementaires. Cette autorité administrative indépendante remet cette semaine son rapport 2006 au président de la République et au Parlement.

Bavures pénitentiaires
En 2006, elle a traité 140 dossiers, soit un bond de 25% par rapport à 2005. La majorité des dérives constatées concernent des fonctionnaires de police (62% des affaires). Ces incidents, de gravité inégale, éclatent souvent lors d'interventions banales: vérification d'identité, contrôle routier, ou dispute familiale.

La CNDS note aussi une nette hausse des dossiers impliquant les personnels pénitentiaires (16% des cas). Elle pointe ainsi de graves "dérives individuelles" au centre pénitentiaire de Liancourt (Oise), dont les nouveaux bâtiments ont été inaugurés en 2004. Jusqu'à présent, cet établissement passait pour une prison modèle.

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Nouveau rapport sévère sur les "bavures" policières

PARIS (Reuters) - Le rapport annuel de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) fait une nouvelle fois état d'une augmentation des plaintes pour des "bavures" policières et juge que certaines méthodes de la police comme la fouille à corps et le menottage sont utilisées abusivement.

Dans ce document, publié jeudi, cette instance administrative indépendante créée en 2000 annonce avoir transmis sept affaires aux parquets pour des poursuites pénales contre des policiers, et quinze au ministère de l'Intérieur pour des poursuites disciplinaires.

La publication du précédent rapport annuel en avril 2006 avait donné lieu à une passe d'armes entre le président de la CNDS, Pierre Truche, et le ministère de l'Intérieur et les syndicats de police.

Pierre Truche, dont le mandat arrivait à échéance, a été remplacé cette année par Philippe Léger, un autre magistrat, nommé par Jacques Chirac. Un amendement de la loi "prévention de la délinquance", texte présenté par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, a prévu de plus la désignation auprès de la CNDS par le Premier ministre d'un "commissaire du gouvernement".

En 2006, les saisines de la CNDS ont augmenté de 25% par rapport à 2005 avec 140 dossiers enregistrés, contre 108 dossiers en 2005, 97 en 2004, 70 en 2003, 40 en 2002, dit le rapport. La majorité des plaintes émises en 2006 concerne l'action de la police nationale (62 %).

La commission relate plusieurs cas d'abus policiers. Un réfugié politique algérien, arrêté après un contrôle d'identité en raison d'une rébellion et conduit au commissariat des Halles à Paris, "a été fouillé, totalement déshabillé, dans un couloir et (...) a ressenti un profond sentiment d'humiliation, qui ne faisait que décupler celui d'injustice face à un contrôle qu'il estimait déjà illégal", souligne-t-elle.

La CNDS recommande au ministère de l'Intérieur d'instaurer par circulaire l'obligation pour l'officier de police d'exposer dans un procès-verbal les motifs de la fouille à corps.

La commission relève que les policiers ont tendance à menotter des personnes dans des circonstances où cette procédure ne s'impose pas, ou même alors qu'elle est illégale. Elle rappelle "que l'usage de la coercition implique nécessairement, selon la jurisprudence en vigueur, le placement en garde à vue".

La commission relate plusieurs cas de violences "illégitimes", notamment une affaire à Strasbourg où un mineur de 17 ans "a reçu un coup au visage qui lui a occasionné une perforation du tympan alors que, d'après le policier, il n'avait fait aucun geste d'agression".

"Il a par ailleurs été insulté, retenu dans un véhicule de police sans cadre légal ni information au procureur. Il a été menotté d'abord à un grillage, puis jusqu'à son domicile pour vérifier son identité, sans qu'il ne présente un quelconque danger ni pour lui-même, ni pour les policiers, aux dires mêmes de ces derniers", raconte le rapport.

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