samedi 26 mai 2007

Libération


Eric Cohen, 46 ans. Cet artisan serrurier tente d'élucider les circonstances de la mort en 2004 de Mickaël, son fils graffeur retrouvé noyé après une poursuite avec la police.

Son mur des lamentations
Par Jacky DURAND

Eric Cohen affirme que, pour lui, «le mot deuil ne signifie rien». Dans les jours qui ont suivi la mort de son fils, il a enlevé toutes ses affaires, toutes ses photos du petit appartement de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). En trois ans, «il est allé deux fois au cimetière», dit Caroline, sa compagne. Pourtant, toute l'existence actuelle d'Eric Cohen est percluse par la disparition et le manque de Mickaël, 19 ans, noyé par cinq mètres de fond dans la Marne, le 10 avril 2004, sous les yeux de la police qui le poursuivait pour un tag sur un mur antibruit.

Il y a trois ans, au terme d'une première rencontre, on l'avait laissé figé dans l'attente infernale d'une reconstitution et des résultats de l'enquête de l'IGS (Inspection générale de services, la police des polices) sur la conduite de dix policiers mobilisés nuitamment pour interpeller deux grands adolescents tagueurs. Enfermé dans sa gangue de chagrin, avec son visage en lame de couteau, le cheveu ras, le poil dru. On retrouve cet artisan serrurier et cordonnier aujourd'hui au chômage, les mâchoires serrées, sentinelle sur le qui-vive de sa propre humeur, guettant un accès de rage ou une attaque de larmes. Il reçoit toujours dans sa cuisine en vous donnant du «monsieur», comme si vous étiez sur l'autre rive, celle des vivants dont l'existence n'a pas été «massacrée» parce que leur môme «a été traqué, débusqué comme du gibier de BAC [brigade anticrimnalité, ndlr] pour un gribouillis sur un mur». «Ils appellent ça un fait divers ; j'ai perdu mon gamin, c'est un fait divers», tempêtait le père trois mois après la mort du fils. Ce soir, il gronde encore, repoussant son assiette de tomates et de roquette pour ouvrir le dossier où sont consignés les faits.

Le 10 avril 2004, Eric Cohen s'est levé à 9 heures, découvrant la chambre vide de Mickaël. Le père savait que son fils taguait. «Je disais à Mickaël que taguer, c'était mal, que ça n'avait pas de sens de prendre le risque d'être poursuivi par la police. Il me répondait qu'il ne taguait pas les voitures, mais les murs le long des autoroutes.» Il a téléphoné à Hugo, avec qui Mickaël était parti taguer la veille. «Il m'a dit : "Il y a eu un bordel, on s'est fait courser par la police à Maisons-Alfort. Moi, je suis parti d'un côté, Mickaël est parti de l'autre."» Selon le récit du père, l'administration a été froide comme un tiroir de morgue quand elle lui a annoncé la mort de son fils. L'antithèse de cette modernisation de l'accueil dans les commissariats défendue par l'ex-ministre de l'Intérieur Sarkozy. «J'ai appelé le commissariat de Maisons-Alfort, il y a eu un blanc. On m'a dit : "C'est grave, il faut que vous veniez." On m'a fait attendre une demi-heure. Je me disais : "Il a reçu une raclée." Un gardien de la paix a pris la carte Imagine R [carte de transport RATP] de Mickaël en me disant : "Vous reconnaissez ce môme ? Il est décédé cette nuit dans la Marne." Mickaël était sur l'A4 en train de graffer quand il a été surpris par une patrouille de la BAC. Il a traversé les huit voies de l'autoroute pour se réfugier dans les buissons où les policiers l'ont débusqué. Il a tenté de leur échapper en plongeant dans la Marne. Le gardien de la paix m'a dit aussi qu'un policier avait voulu se mettre à l'eau et qu'un supérieur le lui avait interdit par radio.» Le lendemain, Eric Cohen est revenu au commissariat ; il pensait avoir des précisions sur la mort de son fils, mais on l'a interrogé sur la personnalité de Mickaël. «On m'a demandé : "Est-ce qu'il travaillait à l'école ? Etait-il sportif ? Sociable ?"»

Depuis trois ans, les parents de Mickaël ­ «séparés depuis longtemps», dit Eric ­ savent seulement que leur fils a coulé dans la Marne, au lieu-dit le Moulin-Brûlé. Ils n'ont pas obtenu du juge d'instruction la reconstitution des faits et, de non-lieux en appels, ils ont épuisé tous les recours et se tournent désormais vers la justice européenne. Pourtant, «les incohérences ne manquent pas», selon Erik Blondin, gardien de la paix et secrétaire général du Syndicat de la police nationale (SPN), un syndicat groupusculaire mais contestataire qui épaule les Cohen : «C'est une instruction qui a été faite pour salir Mickaël et blanchir la police, qui ne lui a pas porté secours. Les horaires d'intervention ne coïncident pas entre les deux transcriptions des conversations radio. Lors de l'enquête, un caillou trouvé dans la poche de Mickaël est devenu un bout de shit.» Dans son rapport 2005, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) s'est également demandé, «au regard du délit commis, si la situation requérait la mobilisation d'autant de fonctionnaires de police». Le père de Mickaël n'en démord pas : «La reconstitution nous aurait permis, à sa mère et à moi, de faire la paix intérieure. On aurait vécu ­ mal ­ la scène dans notre tête, mais on aurait eu la paix.» Il voudrait que ce qui est arrivé à Mickaël «ne recommence jamais, que l'encadrement des policiers réagisse différemment» quand l'un d'eux veut se mettre à l'eau pour porter secours à un gamin en danger.

Chez les Cohen, la police était déjà un sujet délicat. «Mon père nous disait de l'éviter», raconte Eric. Le 6 novembre 1942, des fonctionnaires ont raflé la grand-mère paternelle, Rachel, et sa fille Betty. Eric montre une carte postale jaunie oblitérée : «Camp d'internement de Drancy, bureau de la censure, préfecture de police.» Le 8 mai 1942, Rachel Cohen a écrit à la femme qui cachait ses autres enfants à Orthez : «Chère madame, je pars avec ma petite (5 ans) pour une destination inconnue. Je vous prie d'annoncer la nouvelle à mes enfants.» Le 10 mai 1942, elles ont été gazées à Birkenau. Pour Eric Cohen, il y a des «lâchetés», «des silences» de l'Etat français qui se sont répétés dans l'histoire des siens.

Les Cohen sont des Juifs de Salonique. Le grand-père paternel, arrivé dans les années 20, vendait des vêtements sur les marchés. Enfants, Eric et Jean-Marc entendaient parler le ladino, le judéo-espagnol des séfarades. «On n'était pas religieux, mais profondément juifs, dit Eric. On baignait dans l'universalité. Ça vient de mon père, qui répétait : "On est tous humains."»

Eric Cohen a beaucoup écrit après la mort de Mickaël. Notamment à Ségolène Royal, pour qui il a voté aux deux tours de la présidentielle. Il a aussi longuement hésité avant d'adresser un courrier à Nicolas Sarkozy lui signifiant à la fois les interrogations sur la noyade de son fils et son lien de parenté avec le Président : «Ma grand-mère maternelle et votre grand-père maternel étaient cousins germains», affirmait-il dans une lettre datée du 19 février. Nicolas Sarkozy lui a répondu à deux reprises en indiquant qu'il lui était impossible d'intervenir dans une affaire dont la justice était saisie. Mais il ne l'a pas reçu comme l'espérait Eric Cohen : «Dans toutes ses émissions, il dit aux gens : "Venez me voir." Je voulais qu'il me reçoive comme il a reçu les parents des enfants morts à Clichy-sous-Bois. Il ne l'a jamais fait. Ce n'est pas parce que c'est Sarkozy ; ç'aurait été Tartempion, c'était la même chose.»

Vers minuit, Eric Cohen vous raccompagne vers l'entrée de son appartement, avec sa mine de moine-soldat, d'oiseau triste. L'autre fils, Nicolas, 19 ans, n'est pas encore rentré. «On est très liés, mais ce n'est pas facile depuis la mort de Mickaël.» La porte va se refermer quand on découvre sur le panneau de bois un petit moulage en résine de lettres argentées : «ECCO». C'est tout ce qu'il reste de la signature d'un tagueur de 19 ans.

photo Samuel Kirszenbaum

Eric Cohen en 7 dates 18 février 1961 Naissance à Boulogne-Billancourt. Septembre 1978 Premier emploi chez un grossiste en costumes de la rue de Turenne à Paris. 2 mars 1985 Naissance de Mickaël à Issy-les-Moulineaux. 18 janvier 1988 Naissance de son deuxième fils, Nicolas. 10 avril 2004 Mort de Mickaël. 20 juillet 2005 Non-lieu dans l'information judiciaire ouverte après la plainte des Cohen pour non-assistance à personne en danger. Avril 2007 Les parents Cohen saisissent la Cour européenne des droits de l'homme.

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mardi 22 mai 2007

Sursis pour trois gendarmes accusés d'agression sexuelle

NOUVELOBS.COM | 22.05.2007 | 15:19

6 à 12 mois de prison avec sursis pour des violences infligées à un jeune collègue.


Trois gendarmes mobiles âgés de 35, 36 et 39 ans, qui avaient agressé sexuellement l'un de leurs camarades au cours de la nuit de noël 2004, ont été condamnés mardi 22 mai 2007 par le tribunal correctionnel de Roanne (Loire) à des peines allant de 6 à 12 mois de prison avec sursis.
Les condamnations -pour des faits survenus lors d'un détachement en Nouvelle-Calédonie- visent le lieutenant qui commandait le détachement de La Foa (Nouvelle-Calédonie) et deux gendarmes mobiles appartenant à l'époque à un escadron stationné à Roanne.

Les trois hommes s'en étaient pris à une jeune recrue de 25 ans qui peinait à s'intégrer au groupe, après qu'il les eut traités de "tafioles" au cours d'un réveillon particulièrement arrosé.

Menotté et menacé de sodomie

Après l'avoir menotté à un palmier, ils lui avaient violemment arrosé le visage avec un jet d'eau, baissé son short et son caleçon, barbouillé les fesses avec de la crème solaire et finalement menacé de le sodomiser.

Au retour en métropole, l'un des agresseurs, président des sous-officiers de l'escadron, avait menacé à plusieurs reprises la victime afin qu'il ne dépose pas plainte.

Le président du tribunal et l'avocat de la partie civile ont dénoncé l'attitude de la hiérarchie, qui avait dans un premier temps décidé de régler cette affaire en interne.

Après la révélation des faits, les trois agresseurs avaient subi des sanctions disciplinaires allant de 30 jours d'arrêt au blâme ministériel et avaient été mutés. La victime, qui a obtenu 6.000 euros de dommages et intérêts, avait elle aussi été mutée.

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samedi 12 mai 2007

Interpellé à Paris, un ingénieur dénonce une bavure policière

JEAN-MARC LECLERC.

Un ingénieur de 31 ans, interpellé mercredi à l'issue d'une manifestation contre Nicolas Sarkozy place Saint-Michel à Paris, a porté plainte contre les policiers. Il dit avoir reçu, ce soir-là, des coups de matraque. L'Inspection générale des services (IGS) a été saisie dans le cadre d'une enquête administrative mais aussi judiciaire. Car, d'après l'examen médical pratiqué à la demande de la police des polices, le jeune homme porte des traces de coups.

Philippe Roset a donc déposé plainte pour « violences illégitimes ». Il a été interpellé après avoir rejoint, dit-il, une amie qui participait au mouvement de protestation place Saint-Michel. Mais lui assure ne pas y avoir pris part. Interpellé, il a été conduit au commissariat du XVIIIe arrondissement avec une quarantaine de manifestants pour un contrôle d'identité. Lorsqu'il est sorti, vers 3 heures du matin, avec une petite dizaine de personnes libérées en même temps, l'ingénieur et le reste du groupe ont voulu attendre, à proximité du commissariat, la sortie de l'ensemble des interpellés.

Le groupe a été invité à se disperser. Des insultes ont fusé contre les agents du commissariat, puis des canettes. La police a dispersé les trublions. Le début de l'altercation a été filmé par un téléphone portable. Mais cette courte séquence n'apporterait pas grand-chose à l'enquête. Des témoins affirment cependant que l'ingénieur a été frappé au sol. Depuis le soir du 6 mai, environ 900 personnes ont été interpellées par la police pour des troubles en rapport avec l'élection, plus de 80 policiers ou gendarmes ont été blessés, et plus de 1 500 voitures incendiées.

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